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Un amateur des arts avec le sens de l’initiative


Après une vie largement consacrée aux arts, Jürgen Blankenburg, cet homme cosmopolite, doux mais volontaire, a reçu la Croix du Mérite de la République fédérale d’Allemagne. Depuis 1996, il préside le conseil de la Fondation des collections d’art de Hambourg.

Une œuvre d’art en constante évolution et en même temps un fantastique terrain de jeu pour les enfants … Qu’un artiste de renommée internationale comme Olafur Eliasson réalise une telle œuvre (sur le papier inabordable financièrement) pour un musée n’était précisément pas un jeu d’enfant ! Mais la Kunsthalle de Hambourg a bénéficié d’un ensemble de circonstances particulièrement favorables pour entrer en possession d’une pièce aussi complexe que Kinderzimmer.

L’homme qui a rendu ce petit miracle possible, faisant inlassablement appel à la générosité des habitants les plus aisés de la ville, s’appelle Jürgen Blankenburg (74 ans). Ce citoyen du monde, aussi doux que volontaire, vient de recevoir la Croix fédérale du Mérite pour son engagement de toute une vie en faveur des arts.

Il fut un temps où les musées de Hambourg disposaient d’un budget pour les acquisitions. Mais ce temps est révolu. Aujourd’hui, lorsqu’une institution veut acheter une œuvre d’art, elle doit compter sur le soutien de son cercle d’amis tout en faisant appel aux dons de mécènes ; sans cela, aucune entrée dans les collections n’est possible. Depuis 14 ans, Jürgen Blankenburg préside le conseil de la Fondation des collections d’art de Hambourg, qui a acquis 400 œuvres d’importance pour les musées de la ville depuis 1956 et qui a réussi à collecter, pour la seule année 2008, 450 000 euros auprès de riches citoyens hanséatiques.

M. Blankenburg a accédé à cette présidence en raison du refus de son prédécesseur Erich Schliemann (et de certains des administrateurs de la fondation) d’acquérir Aschehaufen de Reiner Ruthenbeck, comme le leur demandait instamment le directeur de la Kunsthalle Uwe M. Schneed. Ce n’est pas un hasard si M. Blankenburg, diplômé en gestion d’entreprise, courtier d’assurance et dirigeant expérimenté, est apparu naturellement comme l’homme de la situation, appelé à la rescousse pour réaliser l’achat. En effet, l’art a toujours joué un rôle important dans sa vie : dans sa demeure sur l’Aussenalster, des œuvres d’art se trouvent partout où l’œil se pose : des œuvres qui témoignent d’une grande compréhension des arts. Jürgen Blankenburg a acheté son premier tableau alors qu’il était étudiant à Paris – et, fait intéressant, lorsqu’il a commencé comme assistant de direction dans l’industrie sidérurgique, sa première mission a été d’accompagner son supérieur à une vente aux enchères. Il a ensuite assisté pendant deux semaines l’éminent connaisseur, collectionneur d’art Werner Schmalenbach.
« Mon penchant pour l’art n’était pas vraiment propice à une carrière dans l’acier… », dit Blankenburg avec un sourire. « On disait toujours : quel idéaliste il fait ! Mes collègues la jouaient plus dure que moi. » Mais en restant fidèle à lui-même, Blankenburg a tout de même fait son chemin. Car il le savait : « L’art libère la créativité. Il implique une pensée divergente. » Réfléchir en dehors des sentiers battus est quelque chose qu’il pratique également lui-même, lui qui tient la liberté de pensée pour aussi importante au moins que les créations esthétiques qui en résultent. Et la femme qu’il a épousée est tout aussi férue de beaux-arts. Non seulement Monika Blankenburg pratique comme son mari un instrument de musique (elle le violoncelle, lui la clarinette), mais elle est engagée en faveur des jeunes musiciens au sein de la Fondation allemande pour la vie musicale (Deutsche Stiftung Musikleben).

Mais la racine de tous ces engagements remonte à 1952.Jürgen Blankenburg n’a alors que dix-sept ans et reçoit de plein fouet un « choc d’opulence ». Il arrive de sa Ruhr natale qui a été entièrement bombardée quelques années plus tôt et découvre l’Alabama prospère, où la paix règne depuis 1865. Là, il suit les cours d’un « très bon lycée » où il a  «beaucoup appris ». Mais le plus important est ailleurs : « Mon séjour en Amérique m’a ouvert les yeux sur la diversité du monde. Cela a déterminé toute mon existence. » La prise de conscience que les mêmes choses peuvent être perçues ou réalisées différemment est depuis lors l’un des principes-clés de M. Blankenburg. Ainsi qu’une autre leçon enseignée par ses parents d’accueil américains : « Il faut savoir s’engager. Cette maxime m’a accompagné toute ma vie. »

Très vite, M. Blankenburg a marché dans leurs pas. Il est aujourd’hui membre des conseils consultatifs de différentes fondations, dont beaucoup promeuvent les talents créatifs d’enfants issus de milieux défavorisés. Pendant plus de 50 ans, il s’est fortement impliqué dans la plus grande organisation d’échanges scolaires et universitaires au monde, AFS Intercultural Programs, dont huit ans à la tête de la Commission financière. « Quand on a été manager pendant 35 ans », dit Jürgen Blankenburg avec pragmatisme, « on peut aussi mettre ces compétences-là au service d’une bonne cause ».  Si, modestement, il ne prétend pas être un modèle, il en est un, assurément !


Source : Die Welt, avec l’aimable autorisation du quotidien allemand.
Article par Katja Engler, publié le 16 octobre 2009.

Traduction: Gautier Joubert

L’article original en allemand

Photo Dennis Conrad

Jürgen Blankenburg sur un fauteuil d’Alessandro Mendini, récente acquisition de la Stiftung für die Hamburger Kunstsammlungen (Fondation pour les collections d’art de Hambourg).

In memoriam Jürgen Blankenburg